Le vent – Louis Monnet
Du mois d’avril, je suis le vent
Doux et léger, tiède et mouvant.
Pourtant fraîchi sur les névés
J’apporte la trêve rêvée
Pendant une longue froidure,
Blanche de neige et bise dure.
Je suis la vie, le renouveau,
Fleurettes pâles et gais ruisseaux,
Je réveille un peu d’instants
L’ensommeillé : le beau printemps…
Me revoilà vent de juillet
Plein de soleil et goût d’œillet.
Parfois violent, jamais fâché,
Je roule et fane les près fauchés.
Aussi je houle les blés muris
Où les bergères cherchent maris
Si je bouscule un gros orage
Alors manants me croient en rage.
Mais je caresse tant de peaux nues
Que je brunis l’été venu.
Je suis aussi le vent d’octobre,
De lourds nuages ne suis point sobre.
La terre luit sous les labours
Quand sont pillés les vergers lourds
Et puis je teins de tous les jaunes,
De tous les rouges d’érable et l’aulne.
Le ciel, le soir, de couleur d’ambre
Car déjà voilà novembre.
Les migrateurs partout entonnent
Leur « au revoir », leurs cris d’automne.
Puis l’on me craint, on me redoute,
Dur aux errants sur bien des routes.
Poussant la neige, vent de janvier,
Vent de l’hiver qui fait envier
Ceux qui regardent l’escarbille
Le cœur quiet, les yeux qui brillent
L’âme au chaud, loin des détresses
De ceux que j’envoie ad patres,
Jusqu’à ce que revienne le temps
Où je serai vent de printemps.
Louis Monnet
Extrait du recueil Caravanes