Glanes de mon enfance
La moisson est finie, les emblaves sont rases
Et les chaumes bien durs à qui est sans sabots.
La mare aux pastoureaux ne montre que sa vase
Et déjà le trolle pointe vert et haut.
Aux abords de la ferme picore la volaille,
Ils nous sont interdits car c’est là leur domaine.
Mieux vaut aller plus loin pour disputer aux grailles
Les épis oubliés qui de toute part trainent.
Surtout ne pas tirer aux gerbes en javelle
Qui attendent debout de hausser le gerbier,
Une glane honnête est de loin la plus belle
Que protège la coutume dés la fin de juillet.
Le printemps fut pluvieux et les épis sont beaux,
Foulés entre les paumes le grain est lourd et plein.
On pense au bon pain et aussi au gâteau
Qui fêtera la glane si les paniers sont pleins.
Dés que le jour se lève à la tombée du soir,
Les reins ployés en deux, les mains piquées ramassent.
Le père est en journée et la mère au lavoir
Et c’est nous, les morveux, que cette glane harasse.
Ensuite nous irons, toujours pendant des heures,
Récolter le bois mort aux forêts domaniales.
Faut bien du pain à ceux qui n’ont jamais de beurre,
Faut bien du bois aussi pour les nuitées glaciales.
Puis quand viendra Noël, un peu de la réserve
Transformée en pantins garnira nos sabots
Bien trop vite vidés dés que le jour se lève.
Mais quand on est enfant, Dieu ! Que Noël est beau.
Louis Monnet