Les naufragés
Un énorme typhon avait pris le navire,
Toutes voiles larguées il fuyait sous le vent,
Nul ne put empêcher qu’à la fin il chavire.
Seuls trois matelots sur un esquif mouvant
Erraient depuis des jours privés de nourriture
Mais un peu d’eau du ciel tempérait leurs tourments.
Le soleil, implacable par sa température,
Les rendait plus sensibles au dur froid de la nuit.
Alors que deux râlaient dans le fond de la barque,
Le troisième au guet vit surgir un récif
Sur lequel un palmier faisait comme une marque.
Croyant en un mirage il restait pensif.
La houle, lentement, les rapprochait du but.
A l’ombre du palmier, une blonde sirène,
Impatiente, attendait les trois mâles barbus
Et déjà, l’œil fripon, elle vivait la scène.
Ce n’était pas fréquent qu’une pareille aubaine
Lui envoyât trois hommes rompre son célibat.
Les naufragés à jeun depuis plus d’une semaine,
Enfin bien éveillés, sonnaient le branle-bas.
L’œil devenu brillant, retroussant les babines,
Sans s’être concertés un plan vite établi,
Et le sang bouillonnant d’une hâte qu’on devine
Débarquèrent en trombe, de suite firent un lit.
Un lit d’herbes bien sèches prémices d’un grand feu.
Les tâches partagées, l’un et l’autre s’aidant,
Aussitôt débitée commencèrent par la queue.
Les arêtes bien sucées servirent de cure-dents,
Sans un regard lubrique pour le haut et ses seins
Trois ventres rondelets opinèrent pour la sieste.
La sirène équeutée par leur si noir dessein
Attendait que demain, ils finissent le reste.
Moralité
Ventre affamé et c’est là la leçon
N’a plus rien qui vaille au fond du caleçon.
Louis MONNET