La poésie de l’automne 2023

Tic,tac…

« Tic, tac…
L’heure tourne petit, maintenant il faut faire un choix.
Le monde est grand et surpeuplé, il suffirait de retirer quelques personnes, qu’en penses-tu ?
Tic, tac…
Un peu de courage mon ange, tout le monde t’admirera.
Trop d’ignorants t’entourent, supprime-les, les autres n’en seront que plus importants.
Tic, tac…
Tout le monde doit faire son choix, le choix qui changera sa vie.
Aie pitié du monde, de la terre sur laquelle tu marches, sauve-la des bêtes qui la salissent.
Tic, tac…
Petit cœur, ne veux-tu pas être notre sauveur ? Qu’est-ce que quelques vies comparées à notre survie à tous ?
Tic, tac…
Je te soutiendrais quoi qu’il arrive, je sais que tu feras le bon choix.
Tic, tac…
Les aiguilles avancent et ton œuvre se meurt, fais quelque chose.
Tic, tac…
Les glaciers fondent et les mers montent. Des villages se noient et des bateaux font naufrage.
Tic, tac…
La terre tremble mon prince, des villes tombes et les fourmis ont peur.
Tic, tac…
Le sol se réchauffe et tue les cultures.
Tic, tac…
C’est le chaos dehors, tout le monde crie et des gens meurent.
Tic, tac…
Des coups de tonnerre, l’orage est proche.
Tic, tac…
Il faut choisir cher gardien !
Tic, tac…
Maintenant ! Je vous en prie !
Tic, tac…
CHOISISSEZ !
Tic, tac…
La vie ou la mort ? »

« Laissez tout exploser, ils l’ont bien mérité. »

Léa SERRA

Rêves et autres disgressions – Léa SERRA

« Rêves et autres disgressions » est le 1er recueil de poésie de Léa Serra, illustré des dessins de l’auteure.

Il est financé grâce à une campagne de financement participatif sur la plateforme ULULE aujourd’hui terminée.

Si vous avez raté la campagne, vous pouvez le pré-commander via notre boutique ou en nous envoyant un email à contact@editions-voyagesdici.com.

L’auteure : Léa Serra

@Michelserra

La poésie de l’été 2022

La poésie du mois

Les naufragés

Un énorme typhon avait pris le navire,
Toutes voiles larguées il fuyait sous le vent,
Nul ne put empêcher qu’à la fin il chavire.
Seuls trois matelots sur un esquif mouvant

Erraient depuis des jours privés de nourriture
Mais un peu d’eau du ciel tempérait leurs tourments.
Le soleil, implacable par sa température,
Les rendait plus sensibles au dur froid de la nuit.

Alors que deux râlaient dans le fond de la barque,
Le troisième au guet vit surgir un récif
Sur lequel un palmier faisait comme une marque.
Croyant en un mirage il restait pensif.

La houle, lentement, les rapprochait du but.
A l’ombre du palmier, une blonde sirène,
Impatiente, attendait les trois mâles barbus
Et déjà, l’œil fripon, elle vivait la scène.

Ce n’était pas fréquent qu’une pareille aubaine
Lui envoyât trois hommes rompre son célibat.
Les naufragés à jeun depuis plus d’une semaine,
Enfin bien éveillés, sonnaient le branle-bas.

L’œil devenu brillant, retroussant les babines,
Sans s’être concertés un plan vite établi,
Et le sang bouillonnant d’une hâte qu’on devine
Débarquèrent en trombe, de suite firent un lit.

Un lit d’herbes bien sèches prémices d’un grand feu.
Les tâches partagées, l’un et l’autre s’aidant,
Aussitôt débitée commencèrent par la queue.
Les arêtes bien sucées servirent de cure-dents,

Sans un regard lubrique pour le haut et ses seins
Trois ventres rondelets opinèrent pour la sieste.
La sirène équeutée par leur si noir dessein
Attendait que demain, ils finissent le reste.

Moralité
Ventre affamé et c’est là la leçon
N’a plus rien qui vaille au fond du caleçon. 

Louis MONNET

La poésie de septembre 2022

La poésie du mois

Le vieux temps des cerises

Laisse aller le printemps, c’était un beau voyage
La galipette aux champs ce n’est plus de notre âge.
Ce temps des griseries au goût de pâquerettes,
Celui de l’Amour fou dure le temps des violettes.

Laisse courir l’été pourtant encore si proche,
L’amour en liberté toujours le cœur accroche.
Dans les nuits chaudes et courtes jusqu’au petit matin
Aimer à en mourir dans l’aneth et le thym.

Profitons de l’automne s’il veut durer un peu
Et que nous deux, soudés, nous préparions le feu.
L’hiver qui approche n’aura aucune prise,
Nous rêverons, émus, au vieux temps des cerises.

Louis MONNET

La poésie de Mai 2022

La poésie du mois

Écologie

Avec son rude accès par des sentiers d’enfer
Là-haut c’est la forêt mystérieuse et profonde.
Elle était déjà là au tout début du monde,
Domaine des grands arbres, feuillus et conifères.

Épicéas, mélèzes, sapins et pins Sylvestre,
A l’étage, au mitan, les sorbiers et sureaux,
L’argousier épineux et le saule Marsault
Sous les chênes touffus et l’érable champêtre.

Au ras, les framboisiers et le lierre qui traine,
Pervenches et benoites, parfois quelques muguets.
La bauge du sanglier et celle de sa laie,
Les houx, les noisetiers, les buis et les troènes.

Amanites, russules et encore davantage,
La fouine et le renard, la taupe et le blaireau,
Choucas, buses variables et de noirs corbeaux,
Avec des frelons et des abeilles sauvages.

Dans ce réduit sylvestre, perdu, inaccessible,
Un homme est venu, l’œil inquisiteur,
Et parmi ces géants faire œuvre de prédateur
Forfait impardonnable qu’on croyait impossible,

Sans la moindre vergogne et en délit flagrant.
Là, depuis Jean le Bon, bien malheureux captif,
Trente mètres de haut, le tronc droit et massif,
Il a pris le plus beau, il a pris le plus grand.

Fi de poutres et solives ou meubles abondants,
Ébranché, écorcé, tronçonné, étêté,
En mille et un morceaux, refendu, débité,
Cet homme insensé ne voulait qu’un cure-dents.

Louis MONNET

La poésie d’Avril 2022

La poésie du mois

Perdues sous les palmiers

Penses-tu qu’un jour on pourrait partir ensemble ?
Prendre une voiture et rouler jusqu’à la nuit,
S’arrêter dans une forêt qui nous ressemble,
Faire un feu et attendre que le noir s’enfuie.

On parcourrait des chauds pays ensoleillés,
Puis on grimperait des montagnes enneigées
Au côté des rivières qui nous demandaient,
Jusque sur une île perdue durant l’été.

On accrocherait notre hamac aux palmiers,
La vue nous emporterait plus loin que nos livres.
Dans nos cœurs, le plaisir serait toujours premier
Et je crois que l’une de l’autre on sera ivres.

On ne fera que profiter de notre vie,
On ne voudra plus prendre en compte les avis.
On s’aimera pour toujours je te l’ai promis
Et on ne perdra plus de temps dans un ennui

 De l’autre.

Léa SERRA

La poésie de Mars 2022

La poésie du mois

Hélène au jardin

Hélène est au jardin. Irisant ses cheveux
Le soleil, pris au piège, s’attarde à ce jeu
Et des mèches plus claires lui font une auréole.
Son caraco léger dénude ses épaules

Et ses longs bras dorés, en gestes mesurés,
Font voleter ses mains qui cueillent, assurées,
La rose au rosier, le Lilas à sa branche.
Un lourd et beau bouquet s’appuie contre sa hanche.

Ce fardeau parfumé qui s’alourdit encore
Chaloupe sa démarche, fait ondoyer son corps
Au galbe si parfait, à la senteur de menthe.
Elle en oint sa peau qui, d’elle, se pigmente.

Ses jambes élancées, sans être impudiques
Ont la couleur du miel sous la courte tunique.
Quelle joie pour le regard d’admirer tant de vie !
Même Diane, sous le couvert, la regarde à l’envie …

Louis MONNET

La poésie de janvier 2022

La poésie du mois

Le papé des champs

Il est là, dans son coin, à l’ombre des glycines
Depuis le grand matin jusqu’au soir qui décline.
A l’heure des repas sa bru qui le bouscule,
Son fils ne veut rien voir et son cœur bascule.

Vers l’écurie voisine parfois il crie « oh ! oh ! »
Quand il entend ruer l’un de ses trois chevaux.
Eux seuls et pour, peut-être, encore combien de temps
Se soumettent à sa voix et au commandement.

Du coin de l’âtre l’hiver à la cour l’été
Il songe avec tristesse à ce qu’il a été.
Il faut bien que survienne l’heure du successeur.
Lui, pour son propre père, a-t-il manqué de cœur ?

De cela c’est bien loin, il ne se souvient guère,
Pour lui c’est maintenant et il se désespère.
D’abord il n’a plus mot. On le consulte plus.
C’est pourtant lui le maître et il n’a rien vendu.

Pour les travaux pénibles il manque un peu de force.
S’il veut trop insister son cœur se désamorce
Mais il a toute sa tête, bon œil et expérience.
Il sait avant son fils comment vient la semence.

De son temps, par les us et les quarts de la lune,
Il semait son blé tendre, taillait sa vigne brune,
Menait la vache au veau, prêtait son étalon
Sans que jamais ne manque et souvent des bessons.

Il pourrait, c’est certain, encore se rendre utile,
Un petit rien par-ci même si c’est futile,
Quelque chose de noble, un conseil d’ancien.
Mais non garder les chèvres comme sa bru voudrait bien.

Il attend dans son coin à l’abri des glycines
Que sa petite fille, tête blonde, si câline,
Le bisouille au hasard dans sa barbe qui pique.
A la mort qui le guette il fait encore la nique.

Louis Monnet

La poésie de décembre 2021

La poésie du mois

Le papé des villes

C’est un vieil ouvrier. Sa vie ce fut l’usine 
Et son domaine à lui, toutes les rues voisines.
Du soleil et de l’eau, des joies de la nature,
Il attendait l’été pour sa progéniture,

A quelques pas d’ici dans le ruisseau voisin.
C’était un jour de liesse, de rires et de bon vin,
Sa chemise entr’ouverte sur son torse velu
Et même une fois il s’était mis pieds nus.

Dans son deux pièces-cuisine où il ronge son frein
Il entend les plus jeunes s’en aller le matin.
C’était un fier luron, sérieux et très habile.
Il s’en cache bien mais se fait de la bile,

Sa retraite est bien mince, la mère fait des ménages,
Il irait bien bosser, mais qui veut de son âge.
Il voyage un peu, le soir, à la télé
Et vire toute la nuit comme tournent ses pensées.

Il descend sur la place le soir quand il fait beau
Et parle à d’autres vieux, toujours les mêmes mots.
Quand ils étaient jeunots, le service militaire,
La grève de vingt-six et la première guerre.

Parfois autour d’un pot ils tapent une belote,
Pour cent sous au tiercé ils prennent une culotte.
Est-il résigné ? Qu’espère t-il toujours ?
Et tous les jours qui passent ressemblent aux autres jours.

Les enfants sont au loin, chacun poussant sa vie,
De les voir plus souvent il en a bien envie.
Ses fils, comme il voulait, ne sont plus des « prolos ».
Dans la fonction publique, des congés à gogo.

Ils écrivent parfois de leur ville dortoir
Et passent leurs congés sur la Costa Del Mar.
Mais il languit surtout tous ses petits-enfants.
Il n’est qu’un loin papé qui s’en va doucement.

Louis Monnet

La poésie de novembre 2021

La poésie du mois

Glanes de mon enfance

La moisson est finie, les emblaves sont rases
Et les chaumes bien durs à qui est sans sabots.
La mare aux pastoureaux ne montre que sa vase
Et déjà le trolle pointe vert et haut.

 Aux abords de la ferme picore la volaille,
Ils nous sont interdits car c’est là leur domaine.
Mieux vaut aller plus loin pour disputer aux grailles
Les épis oubliés qui de toute part trainent.

 Surtout ne pas tirer aux gerbes en javelle
Qui attendent debout de hausser le gerbier,
Une glane honnête est de loin la plus belle
Que protège la coutume dés la fin de juillet.

 Le printemps fut pluvieux et les épis sont beaux,
Foulés entre les paumes le grain est lourd et plein.
On pense au bon pain et aussi au gâteau
Qui fêtera la glane si les paniers sont pleins.

 Dés que le jour se lève à la tombée du soir,
Les reins ployés en deux, les mains piquées ramassent.
Le père est en journée et la mère au lavoir
Et c’est nous, les morveux, que cette glane harasse.

Ensuite nous irons, toujours pendant des heures,
Récolter le bois mort aux forêts domaniales.
Faut bien du pain à ceux qui n’ont jamais de beurre,
Faut bien du bois aussi pour les nuitées glaciales.

 Puis quand viendra Noël, un peu de la réserve
Transformée en pantins garnira nos sabots
Bien trop vite vidés dés que le jour se lève.
Mais quand on est enfant, Dieu ! Que Noël est beau.

Louis Monnet